Apprendre des portions… de langues !
Il est parfaitement oiseux de parler de l’utilité de l’apprentissage des langues étrangères. A moins d’être en parfait déphasage avec la réalité du monde, aucun être normalement constitué ne pourrait rejeter cet enseignement.
Mais poser la nécessité de l’apprentissage ne suffit pas si on ne questionne pas l’efficacité des méthodes proposées.
La première démarche à accomplir sera de faire un sort à un phénomène qui s’est développé au cours de ces dernières décennies : celui qui consiste à découper les langues en fonction de spécificités communicationnelles. Ainsi, un florilège d’écoles de langues propose d’enseigner un aspect spécifique et jugé pertinent d’une langue : on parle alors de « langue des affaires », de « langue du tourisme », « de la diplomatie », « des sciences » et tutti quanti.
Ce saucissonnage d’une langue est, à mon sens, sur tous les plans, une parfaite aberration quand on prétend enseigner et apprendre cette langue.
En effet, les fondements même de ce choix repose sur des nomenclatures approximatives de mots que l’on décide arbitrairement qu’ils peuvent être d’un usage spécifique dans telle ou telle situation de communication.
Dans une méthode d’apprentissage du français spécifique destiné au tourisme, on trouve par exemple, les énoncés banals d’un dialogue entre un client étranger, à la recherche d’une chambre à Paris, et un hôtelier. La spécificité touristique de ce type de dialogue suppose que son emploi dans un autre domaine n’est pas pertinent. Or, ce genre de dialogue, lexique et syntaxe compris, peut se retrouver dans toutes les situations et surtout les supports : dans un reportage journalistique, dans un roman d’aventure, dans le langage diplomatique ou dans…. un guide touristique.
On propose alors souvent des textes inédits ou confectionné pour les besoins de la cause (dialogues, récits,) regroupés par thème, qui sont d’une superficialité affligeante et qui n’aboutissent pas à une maîtrise réelle de la langue-cible.
En fait, le découpage des langues répond plus à des considérations commerciales qu’à autre chose.
Je crois que la langue est un tout et que sa maîtrise réelle et non pas approximative et médiocre, suppose une démarche holistique : apprendre une langue efficacement, c’est en même temps assimiler son vocabulaire et sa syntaxe mais aussi son substrat culturel et civilisationnel. Autrement dit, une langue n’est pas un simple instrument de communication superficiel : les mots qui la composent charrient tout une histoire, un contenu d’un culture écrite et orale qui fait de leur apprentissage le gage d’une maitrise nuancée de cette langue.
La meilleure démarche à adopter serait d’inclure dans les méthodes la littérature et les arts sous toutes leurs formes sinon ce sera l’apprentissage d’un ersatz de langue.
M. AMRANI, enseignant de français.


